Encore un article de notre fantôme préféré (plus assidu que certains matelots, je dois le dire)
Une bière à la main #2 - Le petit trompettiste
Holà moussaillon ! Entre, entre, Nancy viens d'recevoir un
nouveau vin, une pure merveille !.. Mais bon, moi j'me contenterai d'ma bière,
t'façon j'aurai pris du rhum sinon !
Enfin bref ! Installe toi, mon gars ! J'espère que tu
t'souviens de c'que je t'ai raconté la dernière fois, parce que c'est la suite
!
Si t'as un peu trop picolé et que tu as eu un trou de
mémoire, t'en fais pas, j'ai l'habitude, alors j'vais te rafraîchir la mémoire
!
Donc Charlie Parker, alias "The Bird", est
considéré comme le plus important saxophoniste et un des trois piliers de
l'histoire du jazz, mais on en reparlera à la fin.
Il a notamment initié le mouvement bop et a permis l'enrichissement harmonique du jazz qui sera prioritaire à la mélodie (pour faire plus français, il privilégie les accords plutôt que le thème).
Il a notamment initié le mouvement bop et a permis l'enrichissement harmonique du jazz qui sera prioritaire à la mélodie (pour faire plus français, il privilégie les accords plutôt que le thème).
Bon j'vais pas te parler du personnage plus en détail que
ça, de ses problèmes plutôt commun pour un musicien (instabilité, drogue, sexe
etc.) ou sur le fait qu'il soit mort
très jeune, à 34 ans (un peu moins tu me diras et il aurait pu être plus connu
que ça en intégrant le club des 27, m'enfin bon).
Ce qu'il faut retenir, c'est que c'était un personnage assez
égocentrique qui interagissait aussi bien avec son public que ses musiciens. Il
aimait souvent faire des clins d'œil musicaux, comme lancer des petits appels
dès qu'il voyait une jolie fille passer.
Mais c'est sa première séance en studio qui est la plus
intéressante à raconter !
Le 26 novembre 1945, Charlie Parker est prêt à faire sa
première séance studio chez Savoy Records (non ça n'a rien à voir avec du
fromage) pour enregistrer 3 morceaux originaux (pas des reprises) de façon
assez désorganisé et un peu à la va-vite, en compagnie du contrebassiste Curley
Russell, du batteur Max Roach, de Dizzy Gillespie son ami avec qui il fut le
précurseur du bop, qui normalement trompettiste, se mit au piano (peu de
virtuosité mais jeu harmonique très fort), remplacé sur son instrument par un
jeune musicien craintif et terrifié à l'idée de devoir jouer dans l'urgence,
sous pression.
Il faut savoir que Charlie Parker, notamment lors de cette séance, était perfectionniste, et pouvait refaire une prise une dizaine de fois. Le premier morceau enregistré lors de cette séance par exemple, Billie's Bounce, un simple swing, a été refait 5 fois. Les prises étaient pourtant toutes bonnes mais Parker cherchait à toujours améliorer son propos sans se soucier de celui des musiciens, et sans se soucier de la fatigue de ces derniers. C'est notamment le cas du petit trompettiste, qui d'une part avait des prises où il était meilleur mais que Parker ne gardait pas, et d'autre part se fatiguait rapidement.
Il faut savoir que Charlie Parker, notamment lors de cette séance, était perfectionniste, et pouvait refaire une prise une dizaine de fois. Le premier morceau enregistré lors de cette séance par exemple, Billie's Bounce, un simple swing, a été refait 5 fois. Les prises étaient pourtant toutes bonnes mais Parker cherchait à toujours améliorer son propos sans se soucier de celui des musiciens, et sans se soucier de la fatigue de ces derniers. C'est notamment le cas du petit trompettiste, qui d'une part avait des prises où il était meilleur mais que Parker ne gardait pas, et d'autre part se fatiguait rapidement.
Si bien qu'on publia ce qu'on appelle aujourd'hui les Master
takes, et parallèlement les alternate takes, qui sont les prises non choisis
par Parker mais qui sont pourtant toutes aussi bonnes, et où notamment le petit
prodige est vu sous un meilleur jour.
Bon, la séance totale dura plus de 3 heures prévu à la base, le gamin avait disparu à la fin, de peur de devoir jouer le dernier morceau qu'il redoutait, pensant que c'était au delà de ses compétences à l'époque.
Depuis ce jour, le garçon avait appris la peur et
l'angoisse, et c'est ce qui lui a permis de mûrir et de devenir l'un des plus
grands trompettiste de l'histoire. Il jouera avec un nombre incroyable de
jazzman connu, et sera l'initiateur du dernier grand courant du jazz, le free
jazz, plus ouvert notamment vers l'instrumentalisation électronique, en compagnie
entre autres de son ami Marcus Miller, avec lequel il réalisera l'album
"Tutu" en 1986.
Et oui, je parle bien sûr de Miles Davis ! Parce que même si
l'on a tendance à le citer parmi les plus grands jazzman, force est de
constater que sans Charlie Parker, il n'y aurait jamais eu Miles Davis tel
qu'on le connait aujourd'hui !
Il s'est d'ailleurs beaucoup inspiré de son mentor, aussi
bien sur sa façon de jouer, son ouverture musical, mais également sur sa
manière de gérer une séance studio. Il prendra l'habitude de mettre ses
musiciens sous pression comme il l'a lui-même vécu pour qu'ils puissent donner
le meilleur d'eux-mêmes, car avec le recul, il se rendra compte que c'est ce
qui lui a permis de jouer aussi bien avec Charlie Parker.
Si je devais trouver une morale à toute cette histoire,
c'est qu'il ne faut pas juger des apparences, et ne pas se contenter de gratter
la surface, parce que quand on cherche plus en profondeur, on se rend compte de
la complexité de la vérité et de sa beauté. Si pour beaucoup Miles Davis fait
parti des plus grands musiciens jazz de tout les temps, c'est oublier que
Charlie Parker a posé la première pierre de l'édifice Davis, et que c'est lui
qui reste un des pilier du jazz, avec Louis Armstrong et Duke Ellington, mais
ça, on y reviendra peut-être une autre fois !
Sur ce j'te laisse avec un des morceaux enregistré lors de
cette fameuse séance. Pour la petite et dernière anecdote, la séance devait
servir à enregistrer 3 morceaux originaux comme je te l'ai dit. Cependant
lorsque le producteur se rendit compte que lors du dernier morceau, il
entendait quelque chose qu'il connaissait, il a coupé les musiciens. C'était en
effet une reprise d'un standard de jazz (un morceau emblématique du jazz si
bien qu'on en oublie très souvent qui a été le compositeur à l'origine). Il
s'agissait en réalité de Cherokee, un standard connu pour son tempo rapide (300
à la noire les amis, les métalleux ravalent leur fierté !). Après un instant de
réflexion, Charlie Parker enchaîna directement en demandant aux autres de
reprendre la même chose. Interloqués, les autres s'exécutèrent. Mais après
avoir joué l'introduction, au lieu de partir sur le thème du morceau, ce vieux
loup décide de sauter le thème et d'enchaîner directement sur son chorus (solo
improvisé je rappelle). C'est d'ailleurs CE morceau l'emblème même du bop :
qu'importe la mélodie ou le thème, ce qui compte, c'est la grille, la suite
d'accords, sur lesquels les musiciens peuvent s'exprimer librement.
Bref, je trinque à la mémoire de Miles Davis et de tous ces
autres musiciens, et j'te dis à la prochaine, pour une autre histoire !
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Charlie Parker - Koko, 1945
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